La planète brûle, mais leurs solutions ne sont pas les nôtres

Photo: Olivier Zuida Archives Le Devoir

« Ensemble, il nous faut tous continuer à pousser fort, parce que nous avons désespérément besoin d’un réel débat de société sur notre avenir énergétique », écrivent les autrices Shirley Barnea et Gal Barnea.

L’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée. Et cette année, mars a été le dixième mois d’affilée à battre des records de chaleur. Sans parler de l’hiver anormal qu’on vient de vivre, ou des feux de forêt de l’été passé ; il est plus clair que jamais que la planète brûle.

Nous sommes deux soeurs de 16 et 19 ans et, depuis la pandémie, nous sommes investies à fond dans le mouvement pour la justice climatique. Même si ça ne fait que quelques années, on a déjà l’impression que nous demandons cette transition depuis une éternité — et que le gouvernement provincial va dans le sens opposé.

Un exemple

Le dernier exemple en date remonte à janvier alors que la Coalition avenir Québec (CAQ) a approuvé en un éclair la préparation du terrain pour la méga-usine de batteries pour véhicules électriques de la compagnie suédoise Northvolt. Un terrain sensible et riche en biodiversité en Montérégie se fait déjà détruire pour la construction de l’usine. Les experts et les expertes estiment que cela va directement à l’encontre des engagements en matière de biodiversité pris à la COP15 de Montréal.

Tout cela sans que la contribution de l’usine à la décarbonation du Québec soit démontrée. Ce projet montre à quel point le gouvernement a mal compris le principe d’une transition écologique. Oui, il faut des batteries pour les véhicules électriques pour se débarrasser des véhicules à essence. Mais plus que tout, il faut s’éloigner des véhicules privés et investir massivement dans les transports collectifs. Mais les sociétés de transport attendent toujours un financement adéquat.

La « transition » de la CAQ

Bien que la population locale s’inquiète de l’impact environnemental du projet et malgré l’opposition de la communauté mohawk avoisinante, le gouvernement va de l’avant après avoir changé les règles pour exempter Northvolt du processus d’évaluation environnementale et de consultation publique du BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement). C’est inacceptable.

Ce n’est pas à une poignée de ministres d’approuver tout seuls un mégaprojet avec d’énormes répercussions. La démocratie, ce n’est pas élire un gouvernement tous les quatre ans et puis le laisser faire n’importe quoi — c’est aussi inclure la population dans les prises de décision importantes.

La « transition » de la CAQ, ça a l’air d’un plan pour les multinationales étrangères, pas pour les Québécois et les Québécoises. Le projet d’hydrogène de TES Canada l’illustre parfaitement. La compagnie veut construire un électrolyseur de 500 mégawatts, le plus grand au monde, pour alimenter en hydrogène « vert » les camions et l’industrie lourde. On nous propose d’empiéter encore sur la biodiversité pour installer 140 mégaéoliennes et un parc de panneaux solaires pour alimenter TES.

Mais l’hydrogène « vert » est coûteux et inefficace. Ça n’a aucun sens de gaspiller d’énormes quantités d’électricité pour en produire, quand on peut électrifier directement les transports et l’industrie lourde.

Pourquoi, alors, un projet d’hydrogène ? Ne servirait-il pas en réalité à créer l’illusion de sauver la planète tout en continuant le développement du « business as usual » ?

L’écoblanchiment

Se lancer dans n’importe quel développement « vert », n’importe comment, en déconnexion totale de nos réels besoins et sans mettre ce même effort pour éliminer les pratiques polluantes, ce n’est pas une transition, c’est de l’écoblanchiment, ou greenwashing.

En tant que jeunes, il est terrifiant de voir à quel point le gouvernement ne prend pas la crise écologique au sérieux. C’est comme si, pour le premier ministre François Legault, c’était avant tout une occasion d’affaires. On reste prisonniers du même objectif : maximiser le profit en exploitant les ressources, et on reste ainsi loin de nos cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES).

En ce Jour de la Terre, il faut se débarrasser des vieilles mentalités pour réellement avancer — c’est pourquoi nous manifesterons le dimanche 21 avril à 13 h. C’est pourquoi aussi nous vous invitons à faire de même, à nos côtés. Nous serons à la statue du parc du Mont-Royal avec Attac-Québec, La Planète s’invite au parlement et le Choeur de la transition de Montréal.

Parce que ça suffit, les fausses solutions et les projets destructeurs sans consultation ! Marchez avec nous pour demander une transition énergétique juste, démocratique, par et pour les Québécois et les Québécoises !

Ensemble, nous sommes forts et fortes et nous pouvons faire bouger le gouvernement — nous avons déjà montré que c’est possible. Nos mobilisations ont notamment contribué au rejet du projet GNL Québec, puis à l’interdiction des nouveaux projets d’énergies fossiles. Et ce, par un parti qui, en 2018, affirmait dans son programme électoral souhaiter une « exploitation responsable du pétrole ».

Notre mouvement, pas seulement dans la rue, mais dans toutes les sphères de la société, est trop puissant pour être ignoré. Ensemble, il nous faut tous continuer à pousser fort, parce que nous avons désespérément besoin d’un réel débat de société sur notre avenir énergétique. Et sur notre avenir tout court.

Ne laissons pas le gouvernement le définir sans nous.

*Avec l’appui des organisations suivantes : Attac Québec ; La planète s’invite au parlement ; Fondation Rivières ; ACEF du Nord de Montréal ; Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville ; Greenpeace Canada ; Le Choeur de la transition de Montréal ; Regroupement vigilance énergie Québec ; Mouvement écocitoyen UNEplanète ; Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

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